mercredi 20 octobre 2010

Le parti politique




En régime démocratique, où chacun a sa part de souveraineté, on estime qu'il est du devoir de chacun d'exercer cette souveraineté à des intervalles réguliers en élisant des représentants ; c'est ainsi que se présente le droit de vote, qui est tout à la fois un devoir, on ne manque pas de le rappeler à ceux qui en négligeraient l'importance en leur ressouvenant avec quel sang versé cette petite parcelle de souveraineté individuelle a été conquise.

A intervalles relativement réguliers, donc, les votants se déplacent pour mettre en pratique cette souveraineté si chèrement conquise, puis ils retournent à leurs occupations qui sont souvent plus utiles et mettent leur pouvoir souverain entre parenthèse jusqu'à la prochaine occurrence. Les élus prennent le relais et, à travers leur personne, c'est un parti qui manœuvre.

Si beaucoup de votants potentiels se désintéressent des élections c'est peut-être parce que les partis représentent mal leurs intérêts particuliers. Pudeur républicaine oblige, un parti se veut avant tout structuré autour d'un projet de gouvernement et de grandes orientations économiques et sociales, et ne se veut pas le reflet d'intérêts particuliers ; il ne reconnaît qu'un intérêt général qu'il confond volontiers avec ses propres préjugés. En république jacobine, chaque parti a donc l'ambition et, hélas le pouvoir, de refonder la société tout entière dans son programme politique, la société est ainsi perçue comme intégralement soluble dans ledit programme, que ce soit de gré ou de force.

Conformément à cette logique, les premiers partis constitués furent des partis de gauche, avec le parti radical en 1901 et la SFIO en 1905, tous deux imposant des transformations sociales et juridiques, et usant parfois de violence, notamment contre l’Église. La droite a mis plus de temps à entrer dans cette logique, peut-être parce qu'elle portait en elle des restes de libertés aristocratiques, elle a d'abord proposé des groupes informels réunis autour d'individualités fortes et d'intérêts communs, autrement dit de privilèges, avant de s'aligner sur le modèle permanent du parti-faction.

Ce modèle a été analysé par Bertrand de Jouvenel dans son essai intitulé Du pouvoir dans lequel il constate que l'on retrouve dans le parti, à une échelle réduite, les éléments constitutifs d'une nation : un drapeau, des hymnes, des héros, un jargon, des universités, un budget, des services d'ordre et parfois des milices, autant d'éléments d'un "parti-otisme" calqué sur le patriotisme national. Le parti apparaît comme une tribu guerrière qui envisage la conquête de la nation et son exploitation. On voit bien toute la violence potentielle que recèle la vie politique démocratique ; on est en réalité d'abord adhérent d'un parti, ou à tout le moins sympathisant sur le plan idéologique, et si on se définit toujours comme membre de la communauté nationale, c'est dans l'espoir que le parti conquerra ladite nation pour la plier à ses fantasmes.

C'est ainsi que n'importe quelle chapelle idéologique organisée en parti, même si elle professe des hérésies philosophiques et morales, peut espérer modeler la société conçue comme un laboratoire en ayant accès au pouvoir législatif. Mais n'est-ce pas la définition même de notre République ? Il ne faut donc pas trop s'étonner si les partis politiques ont de moins en moins de prise sur la réalité et si de nombreux citoyens se sentent peu concernés par l'action politique.

En attendant, dans le cadre des partis, si la guerre est bien le prolongement de la politique part d'autres moyens, alors la politique intérieure n'est qu'une forme de guerre civile encadrée par les institutions démocratiques.

http://reacauthentique.blogs.com/

Aucun commentaire: