15 janvier 2010
Je ne résiste pas au plaisir de vous traduire (enfin adapter, j’ai dû y passer vingt minutes…) l’article que le récent tremblement de terre a inspiré à Jim Goad (Américain excentrique) au sujet d’Haïti :“Bordel, mais comment vont-ils bien pouvoir faire la différence entre avant et après ?” : c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit, quand j’ai appris qu’un gigantesque séisme avait mis Port-au-Prince sens-dessus-dessous.
J’veux dire, putain, c’est Haïti. Ils mangent des chiures de mouche matin midi et soir, et boivent du sang de sidaïque au goûter. Ce que nous appelons un dépotoir, ils appellent ça une maison.La réaction des médias a été, comme d’habitude, hypocrite et gerbatoire. Au milieu du déversement de veillées, de prières, de tambourineurs en cercle, de projets de proximité, d’efforts de soutien, d’humanitaire, d’organisations de charité, de santé, de coopération, avec l’inévitable déluge de réfugiés (qui en plus d’être cradingues et débiles, nous détestent) sur nos côtes, je n’ai pas vu grand monde qui soit disposé à se rendre effectivement là-bas.
Mais pourquoi ?Pourquoi, au milieu de cet infect brouillard de tartufferie, n’ai-je entendu personne rappeler qu’Haïti est devenue ce qu’elle est à la suite d’un génocide racial ?
C’est sûr, les victimes étaient des Français, donc ça relativise un peu la chose, mais quand même – les blackos étaient partis dans une de leurs “révoltes d’esclaves” et ont massacré toutes les faces de craie. Aussitôt, avant même que les cadavres aient commencé à puer, cette nation s’est mise à régresser jusqu’à devenir un pays de chiottes merdique du Tiers Monde.La tolérance raciale n’a rien à voir avec la révolution haïtienne. C’était rien que de l’intérêt racial bien compris. Toujours est-il que le résultat final de ce soulèvement vertueux a été, d’après certains témoignages, que tous les Blancs avaient été massacrés ou étaient partis en exil vers 1805. Un adjoint de Jean-Jacques Dessalines, le premier gouvernant du Haïti indépendant et nettoyé, a écrit : “Pour dresser l’acte de l’Indépendance, il nous faut la peau d’un Blanc pour parchemin, son crâne pour écritoire, son sang pour encre et une baïonnette pour plume !
Danny Glover a fait un film sur cette vertueuse révolution raciale. Allez le voir au cinéma le plus proche cette année. Je le soupçonne de n’avoir pas abordé le sujet dans une perspective “crâne-de-blanc-servant-d’encrier”.Quoiqu’il m’en coûte de le reconnaître, j’ai des Français dans mon arbre généalogique. Pire encore, ce que j’ai de français dans le sang est passé par le Canada.
Je crois que Carl Jung a mis le doigt sur quelque chose d’important lorsqu’il a parlé d’inconscient collectif, et je crois aussi que les racistes mettent le doigt sur quelque chose d’important lorsqu’ils parlent de choses comme l’instinct tribal et la mémoire génétique. C’est pourquoi il me semble tout à fait naturel qu’un Noir vivant à Brooklyn en 2010 soit affecté par les injustices subies par ses lointains ancêtres de Haïti, du temps où les esclaves n’étaient pas encore revenus à la raison, et n’avaient pas massacré tous les Blancs.Et par le même raisonnement il me semble tout à fait naturel qu’un Blanc d’ascendance française vivant en Géorgie en 2010 soit affecté par le massacre de ses lointains ancêtres de Haïti.
Dans ce conflit, je suis avec les Français, pas avec les Haïtiens.Alors, Haïti, comment ça a marché une fois que t’as viré tous les Français ? Comment tu t’es démerdée avec le vaudou ? C’est comment, la vie postcoloniale ? Un PIB/hab. d’à peu près 790 dollars par an, 300 000 enfants-esclaves, une espérance de vie moyenne inférieure de vingt ans à ce qu’elle serait si t’étais partie aux States, tu sais, au milieu de cette putain d’oppression blanche.
Oh, tu peux t’exciter comme un étudiant en socio de première année sur le racisme, le capitalisme, et le colonialisme, mais il y a une vérité plus mortelle que le SIDA, c’est que la Chine postcoloniale et l’Israël d’après la diaspora ont l’air de s’en sortir pas mal, alors que personne n’a jamais été foutu de me montrer un pays postcolonial à majorité noire qui ne soit pas ruiné par la violence, ravagé par les maladies, bref qui ne soit pas une espèce de container à merde. Vraiment, j’aimerais bien voir un tel pays – mais je n’en ai jamais vu.Vous vous rappelez du Libéria, créé après la Guerre de Sécession pour donner aux anciens esclaves une chance de retourner vers Mère Afrique, et de construire une puissante nation libre de l’oppression blanche ? Y s’est passé quoi ? Est-ce que les frères s’en sont bien sorti ? Voyons voir : PIB/hab. de 215 dollars par an, 45 ans d’espérance de vie, ils se sont bouffés par centaines de milliers pendant leurs guerres de sécession à eux, et – ironie de l’histoire – les conditions de vie sont tellement merdiques que des milliers de réfugiés libériens vivent maintenant dans ces détestables États-Unis qu’avaient fui leurs ancêtres.
Vous pouvez me traiter de raciste – vous êtes tellement prévisibles – mais ce mot est une construction sociale et n’a absolument aucun sens pour moi personnellement. Je vous conseille de vous préoccuper un peu plus de la vérité et de l’erreur, et un peu moins du bien et du mal. Et la vérité, c’est qu’aucun d’entre vous n’ira jamais en Haïti.(rappeler à Jim Goad que le Libéria a été créé vers 1845 et pas après la Guerre de Sécession, et que le massacre des Blancs d’Haïti faisait suite à un massacre des Noirs révoltés par les soldats français envoyés de métropole, un ou deux ans plutôt, mais on va pas chipoter…)
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