jeudi 19 mars 2009

Trahison des élites


"Dans chaque société identifiée, c'est à dire caractérisable par une identité ethnique et culturelle (religion, système de pensée), des dominants font l'histoire en soulevant et orientant la masse dominée. Chacune de ces sociétés se bat pour le contrôle d'un territoire et pour affirmer un rang hiérarchique. Les civilisations européennes et asiatiques se sont ainsi toujours battues pour arracher la primauté. Au cours des cinq derniers siècles, ce sont les Européens qui eurent la main sur l'histoire. Mais ils sont en train de perdre cette main... Pour quelle raison perdent-ils progressivement la main ? Parce qu'en eux ont triomphé des idéologies qui ont abaissé les instincts supérieurs de territoire et de rang au profit des instincts secondaires, c'est à dire au profit du règne de la Matière. Ce qui n'est pas nouveau, c'est que les dominés sont gouvernés par les instincts secondaires. Cela a toujours été et dans toutes les civilisations. L'Asiatique moyen ou le Russe moyen d'aujourd'hui ne sont pas moins matérialistes que l'Européen moyen. Mais ce qui est en train de faire la différence, c'est qu'au sein des élites d'Asie et de Russie, et contrairement aux élites européennes, les dominants ne se battent pas seulement pour l'avoir; ils se battent pour l'être, c'est à dire pour le prestige de leur peuple et de leur civilisation. Leur combat n'est pas entravé par les idées universalistes et compassionnelles qui ont affaibli les Européens. Autrement dit: dans les civilisations qui montent, les dominants s'assument en tant que tels et c'est ce qui donne à l'Européen oublieux cette impression que les civilisations montantes sont cruelles. La décadence des Européens tient au fait qu'ils sont arrivés à un tel degré de refus de la hiérarchie naturelle entre dominants et dominés qu'ils ont permis aux instincts secondaires d'affaiblir considérablement les instincts supérieurs. Les expressions de l'inversion sont d'ailleurs multiples: elles vont de la féminisation jusqu'à la négation de toute méritocratie."


Aymeric Chauprade - Le choc des civilisations, entretien avec Virginie Tanlay pour la Nouvelle Revue d'Histoire.

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